Leçon 1: Le français au Grand Siècle (1594-1715)



·         M.BENMEDJAHED 

·         Module français  

·         PROMO : Espagnole MASTER M1 CIV .

·          Année 2023-2024 

 

(6) Le français
au Grand Siècle

(1594-1715)

 

 

 

 

 

Plan du présent article

1. La progression du français
    L'imposition du français
    L'expansion extérieure du français
    Le sort des langues régionales
    Le départ des huguenots
Une langue de classe
    La langue littéraire
    La préciosité
Le siècle des «spécialistes de la langue»
   La pureté linguistique
   L'usage réel
L'état de la langue française
   L'expansion à pas de tortue du français normalisé
   Les francisants
   Les semi-patoisants
   Les patoisans
   La Nouvelle-France et les Antilles
Une langue internationale
 

Le français moderne est né à l'époque du Grand Siècle, qui connut une longue période de stabilité sociale et de prospérité économique et permit à la France d'atteindre un prestige jusqu'alors inégalé dans les domaines politique, littéraire et artistique. La France était, au XVIIe siècle, la plus grande puissance démographique et militaire de l'Europe; de plus, le pays était gouverné avec autorité par des fortes personnalités: Henri IV, puis Richelieu, Mazarin et Louis XIV, qui domina son époque pendant plus de cinquante ans.

1 La progression du français

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Le mérite d'Henri IV (1553-1610) fut de rétablir la paix et l'unité du royaume. À l'origine, Henri Bourbon régna d'abord en Navarre sous le nom d'Henri III de Navarre (1572). Au même moment, la France était gouvernée par Henri III de France (un Valois) et, lorsque ce dernier fut assassiné, Henri III de Navarre devint Henri IV de France, puis roi de France de 1589 à 1610. Dans son enfance, Henri IV avait appris l'anglais comme langue maternelle, tout en s'initiant très tôt au français qu'il a toujours parlé avec un accent béarnais; il signait son nom en écrivant «Henry». Henri IV sera le grand père de deux rois d'Angleterre (Charles II et Jacques II) et de Louis XIV. C'est avec Henri IV que commença l'absolutisme royal en France. Cette réprimande au parlement de Paris qui, en 1599, refusait encore d'enregistrer l'édit de Nantes, est révélatrice sur sa manière de gouverner :

 

Vous me devez obéir quand il n'y aurait considération que de ma qualité et obligation que m'ont mes sujets et particulièrement vous de mon Parlement. Si l'obéissance était due à mes prédécesseurs, il m'est dû autant ou plus de dévotion, parce que j'ai rétabli l'État, Dieu m'ayant choisi pour me mettre au royaume, qui est mien par héritage et acquisition. Les gens de mon Parlement ne seraient rien en leurs sièges sans moi. Je couperai la racine à toutes factions et à toutes les prédications séditieuses faisant accourcir tous ceux qui les suscitent. J'ai sauté sur des murailles de villes, je sauterai bien sur des barricades.

À la vérité les gens de justice sont mon bras droit, mais si la gangrène se met au bras droit, il faut que le gauche le coupe. Quand mes régiments ne me servent pas, je les casse. Que gagnerez-vous quand vous ne me vérifiez pas mon dit édit?

L'édit de Nantes était un décret fixant le statut des protestants dans le royaume de France, qui dorénavant pouvaient pratiquer leur religion en toute liberté. Cet édit d'Henri IV marqua la fin des guerres de religion entre catholiques et protestants, qui avaient ravagé la France de 1562 à 1598.

1.2 L'imposition du français

Imposé par les souverains de France, le français était dorénavant considéré à égalité avec ce qu'on croyait être alors comme les trois «langues du bon Dieu»: l'hébreu, le grec et le latin. On a même cru que le français venait du grec (par le latin), lequel serait issu de l'hébreu. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'on découvrira la famille indo-européenne et les racines du latin et du grec, lesquels n'ont rien en commun avec l'hébreu, une langue sémitique comme l'arabe. Dans les faits, l'usage du français pour les actes publics fut imposé en 1621 pour le Béarn, en 1684 pour la Flandre, en 1685 pour l'Alsace et en 1700 pour le Roussillon. Et la liste de ces ordonnances royales pourrait s'étendre...

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Sous le règne de Louis XIII (1610-1643), le cardinal de Richelieu s'employa à restaurer l'autorité royale au moyen d'une centralisation renforcée, d'une réorganisation de l'armée et de la marine, de la création d'une police omniprésente. Le puissant cardinal de Richelieu créa l'Académie française en 1635, qui fut chargée de faire un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique, et de prendre soin de la langue. Dans l'intention de son fondateur, l'Académie était formée d'une sélection de «gens d'esprit», dont l'autorité pourrait exercer une heureuse influence sur la langue et la littérature françaises.

Les tâches de l'Académie française ont été fixées en 1637 : elle devait nettoyer le français des ordures qu'il avait contractées dans la bouche du peuple ou dans la foule du Palais et sa fonction principale était de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à la langue française, à la rendre «pure», «éloquente» et «capable de traiter des arts et des sciences». Il s'agissait essentiellement de privilégier la langue parisienne d'où toute tournure provinciale ou régionale devait être bannie.

Les «ordures» en question désignaient les mots mal employés, la contamination du langage cultivé par les régionalismes et dialectalismes, les mots étrangers, les termes techniques et les jargons. Le poète et lexicographe Antoine Furetière (1619-1688) eut beau dénoncer les puristes, mais ni lui ni les autres opposants à ce mouvement de purification ne purent l'enrayer.

1.2 L'expansion extérieure du français

À l'extérieur du pays, Richelieu encouragea l'établissement de la prépondérance française en Europe et celui d'un empire colonial. Pendant la minorité de Louis XIV, Mazarin (1643-1661) poursuivit la même politique que son prédécesseur et prépara le règne de Louis XIV, qu'il avait lui-même formé.

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En 1661 commença le règne personnel de Louis XIV, dont la figure domina tout le siècle, tant en France que sur la scène européenne. Tout le pouvoir fut concentré entre les mains de Louis XIV: celui-ci était persuadé que le pouvoir absolu était légitime et représentait Dieu en France. Le roi imposa son autorité à la noblesse enfin matée pendant que son ministre Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de 1665 à 1683, secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine de 1669 à 1683, gérait avec efficacité une économie prospère et que Louvois contrôlait une formidable armée de 300 000 hommes (qui augmentera même jusqu'à 400 000).

La soif du pouvoir poussa Louis XIV à rechercher et à obtenir en partie l'hégémonie en Europe, ce qui fait que son long règne fut une suite ininterrompue de guerres. Les armées royales étaient constamment sollicités, y compris en France même pour mâter dans le sang tout mouvement de révolte. Seule la flotte française laissait à désirer, avec seulement 20 vaisseaux en 1665, 60 en 1672, 100 en 1691, 45 à la mort de Louis XIV (1715), ce qui allait sûrement contribuer plus tard à la perte de Terre-Neuve et de l'Acadie en 1713 et du Canada en 1760.

Sous Louis XIV, la France acquit de nouvelles provinces: Bretagne, Lorraine, Alsace, Roussillon, Artois, Flandre, Franche-Comté. Par ses acquisitions territoriales, par le prestige de ses victoires, par l'influence qu'elle exerçait en Europe, la France devint la plus grande puissance du continent, mais restait négligeable comme force maritime, déjà largement dépassée par la marine anglaise.
 

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La bourgeoisie fut la grande bénéficiaire de l'expansion de la France et de sa prospérité; elle s'enrichit à la condition de rester dans l'ombre et de ne réclamer aucune prérogative. Quant au peuple, il ne comptait pas comme «puissance» ou «pouvoir» au sein de l'État. Pressuré par les impôts et affamé durant les mauvaises années, il subissait avec aigreur les revers des guerres extérieures perpétuelles. Il restait, bien sûr, à la population la possibilité de s'expatrier dans les nouvelles colonies, notamment au Canada, en Louisiane et aux Antilles. Quant au ministre Colbert, il pratiqua une véritable politique d'impérialisme linguistique conforme à sa politique extérieure. Il imposa partout le français dans les actes publics, avec comme résultat que les provinces françaises périphériques annexées par la France (Roussillon, Flandre, Alsace, etc.) en vinrent à délaisser leurs langues locales pour le «français du roy». La question linguistique devenait donc un problème de sécurité pour l'État. Il fallait donc bannir des langues étrangères qui menaçaient les frontières nationales. C'est ce qui décida Louis XIV à adopter une politique linguistique radicale qu'il imposa à son ministre Jean-Baptiste Colbert.

Une lettre écrite en 1666 par le ministre Colbert à son frère, magistrat en Alsace, témoigne de la justesse d'une politique de francisation: D'après Colbert, l'enseignement de la langue française à la jeunesse semblait le moyen par excellence pour intégrer à la France les régions germanophones annexées en 1648 :

Comme il est de conséquence d'accoustumer les peuples des pays cédés au Roy par le traité de Munster à nos moeurs et à nos coustumes, il n'y a rien qui puisse y contribuer davantage qu'en faisant en sorte que les enfants apprennent la langue française afin qu'elle devienne aussy familière que l'allemande et que par suite du temps elle puisse mesme sinon abroger l'usage de cette dernière du moins avoir la préférence dans l'opinion des habitants du pays.

À cette époque, ce genre d'idées était largement répandu. Même le peuple se rendait compte qu'en parlant la langue du roi il montrait sa loyauté et sa soumission politique. En général, la législation linguistique de Versailles fut rigoureusement respectée. Par exemple, afin de franciser les classes inférieures, le roi ne toléra à Perpignan (Roussillon) à partir de 1676 que les prêtres connaissant le français et prêchant dans cette langue. Dans les tribunaux, les débats et les procédures devaient se tenir en français seulement. Les sentences des juges ne pouvaient être exécutées que dans la mesure où les fonctionnaires se francisaient, mais ce n'était pas si simple du fait que ces derniers ne parlaient pas français. En 1662, Louis XIV avait acheté Dunkerque aux Anglais. Or, il ne plaisait pas à Jean-Baptiste Colbert que la procédure judiciaire ait lieu en néerlandais; à sa demande, le roi fit savoir (le 26 mai 1663) que les juges dunkerquois devaient employer le français. En 1681, Colbert appliqua une politique de francisation assez surprenante. En effet, l'intendant royal interdit le port des costumes locaux en Roussillon, car la population devait plutôt s'habiller «à la francoise». Bref, la langue, même à cette époque, pouvait servir d'instrument politique.

Cependant, on s'aperçoit que la politique de francisation ne s'est pas appliquée de la même façon, selon les provinces. Ainsi, la francisation n'a pas eu lieu en Bretagne, alors qu'elle fut imposée par Colbert en Alsace et par le Conseil provincial au Roussillon. On constate aussi que, dans une même province, l'introduction du français fut tantôt activée, tantôt interrompue, ou bien les circonstances locales ont compté pour beaucoup dans la francisation ou la non-francisation. De plus, quand on parle de francisation en France à cette époque, il ne s'agit généralement pas de la langue parlée par le peuple, mais de la langue des actes et de la justice. Pour Louis XIV, il importait plus d'avoir des sujets catholiques que des sujets francophones. De toute façon, le français était parlé dans toutes les cours européennes et c'était aussi la langue que les savants utilisaient pour concurrencer le grec et le latin. 

Mais le puissant ministre Colbert croyait à une certaine nécessité de la francisation. Pour le Canada, il a bien tenté de lancer un «programme de francisation» en 1668 destiné aux «Sauvages». Un tel programme dit «de civilisation» reposait sur l'éducation de jeunes autochtones dans le cadre des pensionnats. Mais les écoles-pensionnats de la Nouvelle-France se vidèrent rapidement de leurs élèves, lesquels ne purent s'adapter à des horaires stricts. Évidemment, les autorités françaises se rendirent compte que la francisation des Amérindiens, même pris «à la mamelle», était un mirage. L'intendant Jacques Raudot (de 1705 à 1711) estimait en 1710 qu'il s'agissait là d'«un ouvrage de plusieurs siècles». Ce sont donc les Français qui durent «se mettre à l'école des Sauvages» et apprendre leurs langues.

1.3 Le sort des langues régionales

Les langues régionales de France perdirent tout prestige dans le Nord, sans disparaître pour autant, mais les élites locales passèrent toutes au français, et l'aristocratie du Sud fit aussi des efforts en ce sens. Citons ces propos d'un avocat, Jean-François Gaufridi, du parlement d'Aix-en-Provence au sujet de la langue provençale (1694): «Depuis que les gens de qualité l'ont abandonnée pour la françoise, elle est demeurée parmi le peuple.» Il faut comprendre «seulement parmi le peuple». Rapportons aussi ce témoignage de François Ranchin (1634) au sujet de l'Auvergne: «Le langage du peuple y est grossier; mais les gens de qualité de toutes les professions s'accoustument à la langue françoise, & en acquierent les graces.» Dans la plupart des villes du Nord, on pouvait entendre parler le français chez les ouvriers, les artisans et les commerçants; dans le Sud, le français était compris par la bourgeoisie et les grands commerçants dans les centres urbains.

1.4 Le départ des huguenots
 

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Le 18 octobre 1685, dans son château de Fontainebleau, le roi Louis XIV révoqua l'édit de Nantes signé en 1598 par son grand-père, Henri IV. Sur les conseils de ses ministres, Louis XIV décida alors de supprimer «l'hérésie protestante» de son royaume. Il faut dire qu'il reprochait aux huguenots leur «sympathie» pour l'Angleterre et les Provinces-Unies des Pays-Bas. De plus, à l'exemple de la majorité des Européens de son époque, il ne pouvait admettre que deux religions puissent cohabiter dans un même État; il tolérait, par contre, une multitude de langues dans son État.

C'est pourquoi il interdit la pratique de la religion protestante, il ordonna la démolition des temples et des écoles, il obligea à baptiser dans la foi catholique tous les enfants à naître et aux pasteurs de quitter la France, tout en l'interdisant aux fidèles d'en faire autant sous peine d'être condamnés aux galères. Les huguenots encore récalcitrants n'eurent d'autre choix qu'entre la valise et le cercueil.

La plupart choisirent l'exil vers les Provinces-Unies, l'Angleterre ou encore le Brandebourg. Dans l'Europe entière, on cria au scandale.

Même en France, l'édit de Fontainebleau ne fit guère l'unanimité. Le grand Vauban lui-même prévint Louis XIV des conséquences catastrophiques qui attendaient la France. Selon Vauban, l'édit de Fontainebleau constituait un quadruples échec: religieux, économique, démographique et politique.

La révocation de l'édit de Nantes eut pour effet de priver la France de plus de 300 000 huguenots en cinq ans, au profit d'abord de l'Allemagne, de la Suisse (cantons de Genève, de Lausanne et de Neuchâtel), de l'Angleterre, des Pays-Bas, puis plus tard des États-Unis et de l'Afrique du Sud. Ces départs massifs privèrent la France de nombreux hommes d'affaires, de commerçants et de gens instruits, tout en diffusant dans un premier temps le français dans les divers pays d'accueil.

Ce faisant, les huguenots contribuèrent à discréditer la France et son roi. La plupart des 300 000 huguenots français se fondirent ensuite dans la population locale et abandonnèrent complètement l'usage du français, sauf en Suisse romande. S'il leur avait été possible d'émigrer en Nouvelle-France, les huguenots auraient contribué à diffuser le français dans toute l'Amérique du Nord et probablement à empêcher en 1760 la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne. L'histoire de l'Amérique française aurait été toute autre, n'eût été cette grave erreur de Louis XIV. Malheureusement, jamais le roi de France ne mesura l'impact géopolitique de son nouvel édit. Pire, les huguenots exilés ont fait la prospérité économique de leur pays d'accueil.

Même si la monarchie française tolérait la présence de nombreuses langues dans le royaume, cela n'a pas empêché Louis XIV d'interdire en 1700 la langue catalane dans la province du Roussillon, et ce, autant dans l'Administration que dans tous les actes officiels (voir le décret d'interdiction).

2 Une langue de classe

À cette époque, le français n'était  encore qu'une langue de classe sociale, sauf au Canada et en Acadie où le français était la langue usuelle de presque toute la population blanche. En France, c'était une langue officielle, essentiellement courtisane, aristocratique et bourgeoise, littéraire et académique, parlée peut-être par moins d'un million de Français sur une population totale de 20 millions. Les nobles comptaient environ 4000 personnes à la cour, le reste étant constitué de bourgeois.

Placée entre les mains des habitués des salons et de la cour de Louis XIV, la langue littéraire finit par être celle du monde élégant et cultivé, c'est-à-dire 1 % de la population. Son vocabulaire, appauvri par un purisme (ou souci exagéré de la pureté de la langue) irréductible, ne s'enrichit pas, sauf par un certain nombre d'emprunts à l'italien (188 mots), à l'espagnol (103 mots), au néerlandais (52 mots) et à l'allemand (27 mots). Quant à la phrase, elle se raccourcit et se simplifia dès le début du règne de Louis XIV; on délaissa les longues phrases guindées de Corneille. Dans la grammaire, il n'y eut pas de faits nouveaux remarquables, sauf la disparition du -s du pluriel dans la prononciation, lequel reste, depuis, uniquement un signe orthographique.

2.1 La langue littéraire

Les écrivains eux-mêmes s'alignèrent et se soumirent au conservatisme de la langue «distinguée», sinon à cet «art de dire noblement des riens». En dépit de leurs qualités et du prestige dont ils jouissaient en France et à l'étranger, les écrivains du Grand Siècle, tels que Bossuet, Corneille, Racine, Boileau, Molière, La Fontaine, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, etc., ne créèrent pas eux-mêmes le français de leur temps, et n'essayèrent même pas d'imposer leur façon de voir.

La langue littéraire de cette époque semblait moins une entreprise individuelle qu'une œuvre collective, amorcée par Malherbe, puis poursuivie par une élite aristocratique et bourgeoise au sein de laquelle les grammairiens eurent le premier rôle. Tous ces gens firent de la langue française une forme d'art qu'ils imposèrent à la société cultivée de Paris.

2.2 La préciosité

Ce fut aussi l'époque des «précieuses» ou de la préciosité, qui devint surtout l'affaire des dames. Molière a popularisé ce mouvement dans sa pièce Les Précieuses ridicules de 1659. De ce fait, il a ridiculisé aussi les précieuses qui n'ont pas toujours été ridicules, car elles ont aussi innové en matière linguistique. L'un des principes des précieuses était de désigner des réalités quotidiennes en les nommant autrement. Par exemple, le nez devenait les écluses du cerveau, les seins les coussinets d'amour, le miroir le conseiller des grâces, le chapeau l'affronteur des temps; être en couches devenait sentir les contrecoups de l'amour permis. Les précieuses ont aussi créé des mots nouveaux dont certains ont disparu débrutaliserimportammentsoupireur, etc. Mais d'autres ont survécu: s'encanaillerféliciters'enthousiasmerbravoureanonymeincontestablepommade, etc. Autrement dit, l'apport des précieuses ne doit pas être considéré comme négligeable pour l'histoire de la langue française.

3 Le siècle des «spécialistes de la langue»

En ce siècle d'organisation autoritaire et centralisée, ce sont les grammairiens qui façonnèrent la langue à leur goût; le règne de Louis XIV aurait produit plus d'une centaine de ces censeurs professionnels. À l'image du roi, la langue vécut une époque de «distinction» et de consolidation. Selon le point de vue des grammairiens, le français était parvenu au comble de la «perfection» et avait atteint un idéal de fixité. Les spécialistes ou professionnels de la langue de l'époque préconisaient l'usage d'un vocabulaire «choisi» et «élégant», tous préoccupés d'épurer la langue par crainte de la corruption.

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Tout comme les sujets de Louis XIV, les mots furent regroupés par classes; le vocabulaire ne comprenait que les termes permis à l'«honnête homme» et s'appuyait sur la tradition du «bon usage» de Claude Fabre de Vaugelas (1585-1659), le plus célèbre de tous les grammairiens. Celui-ci publia en 1647 les Remarques sur la langue française. L'affirmation suivante l'a littéralement rendu immortel: 

Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l'élite des voix, et c'est véritablement celui que l'on nomme le maître des langues. Voici donc comment on définit le bon usage : c'est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour.

3.1 La pureté linguistique

Préoccupés d'«épurer» la langue, les disciple de Vaugelas proscrivirent les italianismes, les archaïsmes, les provincialismes, les termes techniques et savants, bref tous les mots «bas». Voici comment Nicolas Faret (1600-1646), un ami poète de Vaugelas, décrivait l'œuvre de son maître dans L'Honnête Homme ou l'art de plaire à la Cour (1630):

M. de Vaugelas s'était appliqué dans ses Remarques à nettoyer la Langue des ordures qu'elle avait contractées ou dans la bouche du peuple, ou dans la foule du palais, et dans les impuretés de la chicane, ou par le mauvais usage des Courtisans ignorants, ou par l'abus de ceux qui disent bien dans les chaires ce qu'il faut, mais autrement qu'il ne faut.

Autrement dit, c'est le peuple qui corrompt la langue! Un autre grammairien, jésuite de son état, Dominique Bouhours (1628-1702), écrivit en 1671 Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène. Dialogues (1671). On trouve dans cet ouvrage ce genre de propos sur la langue du roi: «Il n'y a Personne dans le Royaume qui sache le françois comme il [le roi] le sait.» On lui prête aussi cette phrase célèbre qu'il aurait prononcée juste avant de mourir:  «Je vais ou je vas mourir, l'un et l'autre se dit ou se disent.» Mais cette phrase est également attribuée à Vaugelas.

Dictionnaire de l'Académie 1694

L'Académie française, fondée en 1635 par Richelieu, continua de veiller à la «pureté de la langue» avec quelque 17 500 entrées. Les académiciens avaient pour fonction de «travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences». Le frontispice du Dictionnaire de l'Académie françoise symbolisait bien l'alliance du pouvoir politique et du pouvoir culturel, car l'ouvrage était «dédié au Roy».

Suivant l'idéologie prônée par la Grand Siècle, le dictionnaire de l'Académie épurait le vocabulaire pour n'inclure que les termes permis à l'«honnête homme» et nettoyait la langue des ordures qui la menaçaient tout en s'appuyant sur la tradition du «bon usage» de Vaugelas.

Par le fait même, le dictionnaire de l'Académie excluait les domaines spécialisés comme les arts et les sciences. On pouvait lire dans la préface ce qui suit:

 

C'est dans cet estat [de perfection] où la Langue Françoise se trouve aujourd'huy qu'a esté composé ce Dictionnaire; & pour la representer dans ce mesme estat, l'Académie a jugé qu'elle ne devoit pas y mettre les vieux mots qui sont entierement hors d'usage, ni les termes des Arts & des Sciences qui entrent rarement dans le Discours; Elle s'est retranchée à la Langue commune, telle qu'elle est dans le commerce ordinaire des honnestes gens, & telle que les Orateurs & les Poëtes l'employent; Ce qui comprend tout ce qui peut servir à la Noblesse & à l'Elegance du discours."

Le dictionnaire de l'Académie ne connut jamais le succès des dictionnaires concurrents, car il préconisait un français idéal, non le français réel. Les auteurs du dictionnaire n'étaient généralement pas des spécialistes, mais des amateurs nommés pour leurs loyaux services auprès du pouvoir en place. La politique courante des membres de l'Académie fut de toujours privilégier l'étymologie (latine ou grecque) aux dépens de la prononciation. Finalement, l'Académie publia la première édition de son dictionnaire seulement en 1694, après cinquante-cinq ans de travaux. Avec ses omissions évidentes (p. ex., le mot françoys), le dictionnaire n'impressionna personne. Même le vieux Louis XIV ne put cacher sa déception. Lorsqu'on lui présenta l'ouvrage, le roi eut ce commentaire laconique: «Messieurs, voici un ouvrage attendu depuis fort longtemps.» L'Académie réussira à produire en tout huit éditions. Après la première édition de 1694, les suivantes furent publiées en 1718, 1740, 1762, 1798, 1835, 1878 et 1932-1935. La neuvième édition, dont la publication a débuté en 1992, est encore cours (avec le dernier tome prévu pour 2017). Fait à noter, il fallut près de trois siècles à l'Académie pour publier sa grammaire, la Grammaire de l'Académie française, c'est-à-dire en 1935. Cette première édition de la grammaire, qui contenait des simplifications et des approximations abusives, fut très vivement contestée et ridiculisée par d'éminents linguistes de l'époque. Peu importe les croyances sur ce sujet, l'Académie française n'a jamais exercé une réelle influence sur l'usage du français, bien que sa présence symbolique soit réelle chez les Français et les autres francophones.

En 1680, César-Pierre Richelet (1626-1698) avait publié à Genève son Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, lequel comptait quelque 20 500 entrées. C'était un ouvrage destiné aux lettrés et aux «honnêtes gens», qui désiraient trouver une norme de l'usage. Contrairement à l'Académie, Richelet n'hésitait pas à insérer des mots «bas» tels que bordelchierconconnardenfiler (au sens de «s'habiller»), foireux (au sens de «avoir la diarrhée»), etc. Voici ce que Richelet écrivit dans son «avertissement»:
 

J'ai fait un Dictionnaire François afin de rendre quelque service aux honnêtes gens qui aiment notre Langue. Pour cela j'ai lu nos plus excellens Auteurs, & tous ceux qui ont écrit des Arts avec réputation. J'ai composé mon livre de leurs mots les plus-reçus, aussi-bien que de leurs expressions les plus-belles. Je marque les diferens endroits d'où je prens ces mots, & ces expressions à moins que les termes & les manieres de parler que j'emploie ne soient si fort en usage qu'on n'en doute point.

En faveur des Etrangers, on a ajouté aux mots, & aux phrases des bons Ecrivains le genre de chaque nom avec la terminaison féminine des adjectifs, & l'on en a donné des exemples. On a expliqué les diverses significations d'un même mot, découvert le sens des dictions dificiles, ou équivoques, mis le régime des verbes, & des adjectifs, & même quand les verbes sont irreguliers, ou mal-aisez à conjuguer, on en a marqué la prémiere personne du présent, du preterit, du futur, & de l'imperatif.

Pour rendre l'ouvrage encore plus-utile, on y fait entrer les termes ordinaires des Arts, & presque toutes les remarques qui jusques ici ont été faites sur la Langue. On montre le diférent usage des mots, leur aplication dans les divers stiles, & la maniere dont on les doit prononcer lorsqu'ils ne se prononcent pas comme ils s'écrivent.

On peut remarquer aussi une orthographe simplifiée dans des mots comme diferens (différents), prens (prends), dificiles (difficiles), aplication (application), stile (style). Richelet considérait que les consonnes doubles «défiguraient» les mots du fait qu'on n'entendait qu'une seule consonne. L'ouvrage fit scandale à l'époque et l'Académie l'ignora souverainement en ne s'en inspirant jamais. Le dictionnaire de Richelet, rapidement appelé «Le Richelet», obtint néanmoins un grand succès et devint le dictionnaire de référence de son époque.

3.2 L'usage réel

Dix ans plus tard (1690), parut aux Pays-Bas, à La Haye, le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière (1619-1688), alors décédé. Ce dictionnaire n'excluait pas les termes dialectaux, ni les mots «bas», ni les termes scientifiques. Furetière faisait figure de précurseur dans son domaine, car il décrivait l'usage en recourant à un ouvrage de type encyclopédique, avec des articles parfois extrêmement longs. On peut lire ce qui suit dans la préface:
 

Mais pour Mr. Furetiere, il ne s'est pas proposé les termes du beau langage, ou du stile à la mode, plus que les autres. Il ne les a fait entrer dans sa Compilation que comme des parties du tout qu'il avoit enfermé dans son dessein. De sorte que le langage commun n'est icy qu'en qualité d'accessoire. C'est dans les termes affectez aux Arts, aux Sciences, et aux professions, que consiste le principal. Outre cela, l'Auteur a declaré publiquement, qu'il ne pretendoit rien à la fonction speciale et essentielle de Messieurs de l'Academie; Qu'il ne donnoit son Dictionaire que comme provisionnel, et le precurseur de celuy qui viendroit de leur part juger en souverain dans une entiere pureté tous les mots vieux et nouveaux, et interposer son autorité pour les faire valoir; qu'il leur laissoit leur jurisdiction toute entiere, et qu'il ne pretendoit rien decider sur la langue.

Le titre complet du dictionnaire était le suivant: Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise : Ses Expressions Propres, Figurées & Burlesques, la Prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes : Avec Les Termes les plus connus des Arts & des Sciences. Le tout tiré de l'Usage et des bons Auteurs de la Langue françoise. Le dictionnaire de Furetière ne put paraître en France que clandestinement, mais il connut un succès rapide. Il fut abondamment copié et imité, inspirant les travaux des encyclopédistes du siècle suivant. Le dictionnaire de Furetière est aujourd'hui considéré comme le meilleur dictionnaire du XVIIe siècle, de loin supérieur à celui de l'Académie. Ce fut également le premier dictionnaire encyclopédique au monde, comptant au moins 45 000 articles. Victime de son succès, le Dictionnaire universel fut abondamment copié et imité.

Un grand homme de son temps, Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704), évêque de Meaux et célèbre prédicateur, parlait ainsi de la langue française en 1790: «Telle est donc l'institution de l'Académie, elle est née pour élever la langue françoise à la perfection de la langue grecque et de la langue latine.» Quant à l'écrivain Charles Perrault (1628-1703), il écrivait en 1771:

On ne pouvait commencer trop tôt à polir et à perfectionner une langue qui apparemment doit être un jour celle de toute l'Europe, et peut-être de tout le monde, surtout d'une langue qui doit parler de Louis XIV.

Dans le Dictionnaire Universel François & Latin dit de Trévoux (première édition en 1704, avec des rééditions successives en 1721, 1732, 1742, 1752 et 1771, ce qui témoigne de son succès), à la définition du mot «françois», la langue du roi est considérée comme ayant atteint la perfection:
 

Le long & florissant régne de Louïs XIV a donné au François sa pèrfection : les grandes qualitez de ce Prince, son goût pour les beaux Arts, & celui de tous les Princes de sa maison, rendirent sa Cour la plus polie & la plus spirituelle, comme elle étoit la prémière du monde : l'esprit y bri lla autant que la magnific ence, & ses Généraux auroient pû disputer aux Grecs & aux Romains la gloire de bien écrire, comme ils leur avoient enlevé celle de bien faire la guèrre. De la Cour l'élégance & la pureté du langage s'est répanduë dans les Provinces: tout le monde aujourd' hui parle & écrit bien en France, & ce n'est plus un mérite singulier de le faire. ( Dictionnaire de Trévoux 1721).

Les auteurs du dictionnaire de Trévoux étaient des jésuites dont on ne connaît pas l'identité exacte; cependant, les auteurs ont pris le soin de mentionner leurs sources lexicographiques, historiques, philosophiques, littéraires ou autres. Le titre complet du dictionnaire paraît très significatif: Dictionnaire universel françois et latin : vulgairement appelé dictionnaire de Trévoux, contenant la signification & la définition des mots de l'une & de l'autre langue, avec leurs différens usages; les termes propres de chaque etat & de chaque profession : la description de toutes les choses naturelles & artificielles; leurs figures, leurs espèces, leurs propriétés: L'explication de tout ce que renferment les sciences & les arts, soit libéraux, soit méchaniques, &c. Avec des remarques d'érudition et de critique; Le tout tiré des plus excellens auteurs, des meilleurs lexicographes, etymologistes & glossaires, qui ont paru jusqu'ici en différentes langues. L'objectif des auteurs du Trévoux était notamment d'expurger le dictionnaire des nombreuses traces du protestantisme (les huguenots), d'éliminer toute allusion controversées à l'Église catholique, d'introduire de nombreuses considérations sur la liturgie et la hiérarchie catholique et de prendre la défense des institutions monarchiques et aristocratiques.

Terminons cette partie en mentionnant que c'est sous les conseils des grammairiens Vaugelas et Ménage, que l'Académie française, ainsi que tous les auteurs de dictionnaires, ont fini par adopter officiellement la numération vicésimale des formes soixante-dixquatre-vingts et quatre-vingt-dix au lieu de la numération décimale (latine) de septanteoctante et nonante. Les formes décimales continueront d'être employées dans toute la France et, même au XXe siècle, certaines instructions officielles de l'Éducation nationale les conseilleront afin de faciliter l'apprentissage du calcul, tout en imposant la forme officielle vicésimale. Non seulement, ces formes décimales seront encore utilisées dans certaines régions de France avec des variantes dans l'emploi (Lorraine, Franche-Comté, Ain, Pilat, Lyon, Beaujolais, Isère, etc.), mais elles deviendront officielles en Belgique, en Suisse, au Val-d'Aoste, au Burundi, au Rwanda et au Congo-Kinshasa. Cependant, la forme huitante (au lieu de octante) sera privilégiée dans les cantons de Vaud, du Valais et de Fribourg, mais quatre-vingts dans les autres cantons (Genève, Neuchâtel, Jura, Berne). À la fin du XXe siècle, les francophones de Belgique délaisseront octante (pour quatre-vingts), mais conserveront septante et nonante. Quoi qu'il en soit, Claude Favre de Vaugelas et Gilles Ménage n'ont pas rendu un grand service à la langue française en la rendant plus complexe avec la numération vicésimale.

4 L'état de la langue française

Même si la langue écrite de cette époque faisait partie du français moderne du fait que les textes nous sont directement accessibles sans traduction, l'état de la prononciation aristocratique ne correspondait pas à celle d'aujourd'hui. Le féminin des participes, par exemple, était identifiable dans la langue parlée: aimée au féminin se prononçait avec un [é] allongé, alors que dans le [é] du masculin aimé était bref; l'infinitif aimer avait un [é] encore plus allongé. De plus, la chute des consonnes finales se poursuivait: mouchoi, plaisi, couri, ifaut, i(l)s ont [izont], not(r) [not] constituaient la norme plutôt que mouchoir, plaisir, courir, il faut, ils ont, notre [notre], qui faisaient «peuple» et «bas». De même, on supprimait les «e» inaccentués dans des mots comme désir, désert, secret, prononcés [dzir], [dzèr], [skrè]. Un autre phénomène intéressant concerne la prononciation de l'ancienne diphtongue oi; les mots en -oi étaient prononcés [wé] ou [wè]. On prononçait [mwé] (moi), [twé] (toi), [rwé] (roi), mais [krwèr] pour croire, [bwèr] pour boire, [franswè] pour le prénom François et le nom français (écrit françois) et [franswèse] dans langue françoise. Ainsi, la langue française de l'Académie se distinguait alors de l'horrible prononciation vulgaire (celle du peuple), qui était passée au [wa] que nous avons maintenant dans roi (plutôt que rwé) conservée comme archaïsme phonétique régional.

4.1 L'expansion à pas de tortue du français normalisé

Cette langue française choisie et parlée par l'élite — appelé «français du roy» — pénétrait à pas de tortue dans les parlers du français populaire, car le peuple ignorait tout des règles d'ordre, de pureté, d'élégance et d'harmonie. À cette époque, l'analphabétisme se situait autour de 99 % en France (comme partout en Europe). Le peuple était gardé dans l'ignorance totale: l'essentiel de l'enseignement demeurait celui de la religion, qui se faisait en patois, parfois même en «latin d'Église», pas en latin des Romains de l'époque de Cicéron. Il faut dire aussi que l'orthographe n'était jamais enseignée dans les écoles, encore moins aux femmes; les hommes pouvaient au moins se servir de leur connaissance du latin et l'appliquer comme ils pouvaient au françois. Enfin, les nouvelles provinces annexées au royaume furent dispensées d'appliquer l'ordonnance de Villers-Cotterêts.

On pourrait présenter la situation linguistique en disant que la langue du peuple se partageait alors en trois catégories de locuteurs: les locuteurs dits «francisants», les locuteurs «semi-patoisants» et les locuteurs «patoisants». 

4.2 Les francisants

Les francisants correspondaient aux individus qui avaient une connaissance active de l'une ou l'autre des variantes du français populaire, c'est-à-dire le français du peuple (mais non pas le «françoys du roy»), plus ou moins marqué de provincialismes, d'expressions argotiques et d'archaïsmes. Ces parlers avaient leur centre à Paris et dans la région environnante, mais ils étaient aussi employés dans la plupart des villes du Nord. Si nous pouvions entendre une conversation des gens du peuple de cette époque, nous constaterions des parlers français teintés de forts provincialismes et d'usages très locaux. Par exemple, on entendrait Piarre au lieu de Pierreplaisi au lieu de plaisirla tab au lieu de la tableal pour ellea m'verrâ pus pour elle ne m'verra plusquéqu'un pour quelqu'unquéque chose pour quelque chose, etc. 

Bref, ce sont des parlers qui se rapprochaient de celui des Français qui émigraient au Canada ou aux Antilles, et qu'utiliseront les colons français par la suite. La plupart des Parisiens prononçaient les mots tels que loimoi et roi comme aujourd'hui ([lwa], [mwa] et [rwa]), mais les aristocrates disaient encore [lwé], [mwé] et [rwé]. Un grammairien de l'époque, Jean Hindret, écrivait en 1687, au sujet de cette prononciation en [wa] dans L'Art de bien prononcer et de bien parler la langue françoise (Paris): «Cette prononciation est fort irrégulière et elle n'est pas bonne à imiter; car elle sent son homme grossier et paresseux qui ne daigne se contraindre en rien ni s'assujettir à la moindre règle.» Lire de tels commentaires aujourd'hui fait sourire, car c'est la prononciation archaïsante en [wé] qui paraît maintenant «grossière».

4.3 Les semi-patoisants

Au fur et à mesure qu'on s'éloignait de Paris et des grands centres urbains, les locuteurs devenaient des semi-patoisants. Ceux-ci n'avaient tout au plus qu'une connaissance passive du français populaire; ils parlaient normalement leur patois maternel, mais comprenaient le français, celui du peuple, non celui du roy. Les semi-patoisants se retrouvaient principalement dans les régions d'oïl du nord de la France: la Normandie, la Champagne, la Picardie, la Loire, le Poitou, la Bourgogne. Ils vivaient surtout dans les villes ou à la périphérie des villes, car le patois local demeurait la règle à la campagne.

Dans les régions d'oc, c'est-à-dire au sud du pays, même les classes cultivées ne parlaient guère le français, même si elles le comprenaient généralement assez bien. Il est néanmoins surprenant que Molière ait pu jouer en français dans de nombreuses villes du Sud sans grande difficultés. Cela signifie qu'il était compris, du moins en partie, car les gens riaient et s'esclaffaient, mais leurs connaissances du français devaient être fort rudimentaires. Il est possible aussi qu'ils aient eu recours partiellement à la traduction et qu'ils n'aient compris surtout que les personnages de paysan que Molière faisait parler «en patois» dans ses comédies, ce qui ne pouvait que soulever l'hilarité générale. Cependant, pour la masse des paysans des provinces du Sud et des provinces éloignées comme la Bretagne, la Flandre ou l'Alsace, le français demeurait une langue tout aussi étrangère qu'à Moscou. 

4.4 Les patoisants

Dans les campagnes, on ne retrouvait que des patoisants unilingues qui n'avaient aucune connaissance active ou passive du français. Cependant, les cartes linguistiques habituelles, comme celle de Mikael Parvall (cliquer ICI, s.v.p.), ne donnent qu'une faible idée des très nombreux «patois» de l'époque (au moins plusieurs centaines).

Lors de ses déplacements, Louis XIV se voyait souvent harangué en picard, en flamand, en alsacien, en occitan, etc. Malgré les velléités du ministre Colbert, aucune politique d'intervention linguistique ne put être entamée pour modifier la situation. Le puissant ministre dut se contenter d'imposer le français dans les seuls actes officiels. 
 

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Le dramaturge Jean Racine (1639-1699) a fait un récit détaillé de ses «déboires linguistiques», lors d'un voyage effectué en 1661 de Paris à la Provence (Uzès). Il se plaignait constamment de ne pas être compris: on lui apportait un «réchaud de lit» ou une «botte d'allumette», alors qu'il demandait un «pot de nuit» ou des «petits clous à broquettes». Il ne rencontra même pas un seul curé ni un seul maître d'école qui sache répondre par autre chose que des «révérences» à son «françois» (prononcer [franswè]) inintelligible pour eux. Racine apporte aussi ce témoignage: «J'avois commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays et à n'être plus intelligible moi-même.» La différence entre les parlers du Nord et ceux du Sud était tellement évidente qu'un résident du Sud utilisait l'expression «aller en France» lorsqu'il voyageait dans le Nord.

Albert Dauzat (1877-1945), un spécialiste du parler rural, a inventorié 636 patois dans la France du XVIIe siècle. Mais tous ces patois furent discrédités par les autorités françaises de l'époque. Paradoxalement, le français était davantage parlé, toute proportion gardée, en Nouvelle-France, en Angleterre, aux Pays-Bas et à Moscou qu'en France même. 

4.5 La Nouvelle-France et les Antilles

Au même moment, le français était couramment employé en Acadie et sur les rives du Saint-Laurent. La variété parlée par les «Français du Canada» (ou «Français de l'Acadie» avant de les appeler «Français neutres») se caractérisait par une prononciation populaire influencée toutefois par les origines du français régional des habitants, une syntaxe simple, un vocabulaire légèrement archaïque, teinté de provincialismes, surtout de la Normandie et de l'ouest de la France (Poitou et Saintonge). Bref, rien qui puisse vraiment distinguer le «francophone» de la Nouvelle-France de celui de la mère patrie. Le témoignage du contrôleur général de la Marine au Canada en 1698, le sieur Le Roy Bacqueville de La Potherie, est assez significatif à cet égard:
 

On y parle ici parfaitement bien sans mauvais accent. Quoiqu'il y ait un mélange de presque toutes les provinces de France, on ne saurait distinguer le parler d'aucune dans les canadiennes.

D'ailleurs, les témoignages des contemporains de l'époque sont unanimes sur cette question. Néanmoins, Canadiens et Acadiens se caractérisaient déjà dans leur prononciation par de petites différences: les Canadiens avaient une prononciation plus «normande», les Acadiens, plus «angevine» et «poitevine». Quoi qu'il en soit, le parler des uns et des autres correspondait à un français populaire, comme il en existait en France dans presque toutes le villes du Nord. Cependant, chez les Amérindiens, la francisation s'est révélée un échec complet. Avec le traité d'Utrecht de 1713, la France du Grand Siècle perdit l'Acadie, l'île de Terre-Neuve et la baie d'Hudson, prélude à la chute de la Nouvelle-France (1760). 

Dans les Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Domingue, Sainte-Lucie, etc.), la situation était différentes chez les Noirs et les Blancs. Certes, les colons français parlaient une langue assez similaire à celle des Canadiens et des Acadiens, c'est-à-dire un français populaire. Au début de la colonisation, les Noirs parlaient un certain français. Sur cet aspect, il conviendrait de citer celui du jésuite Jean Mongin qui écrivait en 1682 au sujet du «jargon français» des Noirs:

[...] Les nègres ont appris en peu de temps un certain jargon français que les missionnaires savent et avec lequel ils les instruisent, qui est par l'infinitif du verbe, sans jamais le conjuguer, en y ajoutant quelques mots qui font connaître le temps et la personne de qui l'on parle. Par exemple, s'ils veulent dire «Je veux prier Dieu demain», ils diront «Moi prier Dieu demain», «Moi manger hier», «Toi donner manger à moi» et ainsi en toutes choses. [...] Les missionnaires ne trouvent point de moyen plus efficace dans les répréhensions qu'ils font aux nègres, quand ils sont dans le désordre que de les menacer dans leur jargon: «Toi seras traité de même que nègre anglais, sans baptême, sans église, sans sépulture.»

Dès que le nombre des Noirs s'est mis à dépasser celui des Blancs, c'est le créole (à base lexicale française) qui a dominé et remplacé le français. Si le français pouvait être parlé au début du XVIIe siècle, il le devenait de moins en mois vers la fin du siècle. Au XVIIIe siècle, avec le développement des «sociétés de plantation», c'est le créole qui prit toute la place au détriment du français. Les Européens utiliseront de plus en plus les termes à la mode pour désigner cette nouvelle langue: «jargon français», «français corrompu», «patois nègre», etc. Il faudra le XIXe siècle pour appliquer le mot «créole» à ces langues.

5 Une langue internationale

D'après la légende, ce serait depuis le traité de Nimègue du 10 août 1678, qui mettait fin à la guerre de Hollande (entre les Provinces-Unies et la France), que la situation aurait changé et que la langue française, bénéficiant du prestige de la monarchie de Louis XIV, aurait définitivement obtenu ses prérogatives de «langue diplomatique». Cette légende proviendrait d'un texte d'un diplomate français, Limojon de Saint Disdier (v. 1630-1689), qu'il convient de rapporter ici intégralement:
 

L'on s'apperceut à Nimegue du progrés que la Langue Françoise avoit fait dans les Païs étrangers; car il n'y avoit point de maison d'Ambassadeurs, où elle ne fust presque aussi commune que leur Langue naturelle. Bien davantage, elle devint si necessaire, que les Ambassadeurs, Anglois, Allemans, Danois, et ceux des autres Nations, tenoient toutes leurs Conferences en François. Les deux Ambassadeurs de Dannemarck convinrent mesme de faire leurs depesches communes en cette Langue, parce que le comte Antoine d'Oldembourg parloit bon Allemand et n'entendoit point le Danois, comme son Collegue. De sorte que, pendant tout le cours des Negotiations de la Paix, il ne parut presque que des Ecritures Françoises, les Etrangers aimant mieux s'expliquer en François dans leurs Memoires publics que d'écrire dans une langue moins usitée que la Françoise. Histoire des negotiations de Nimegue par le sieur de Saint- Disdier, Paris, 1680, pp. 78-79; cf. Actes et Mémoires de Nimègue, Amsterdam, 1678.

Toutefois, dans un article de la Revue de Paris Les débuts du français dans la diplomatie», 15 décembre 1913), le grammairien français Ferdinand Brunot (1860-1938) a taillé en pièces cette légende. D'abord, il note que le texte de de Saint Disdier n'affirme en aucune façon que la langue française était la langue officielle du Congrès et celle du traité. Après avoir consulté les documents originaux aux Archives du ministère des Affaires étrangères, Ferdinand Brunot a constaté que le traité de Nimègue était composé de trois actes: le premier du 10 août 1678, entre la France et la Hollande; le second, du 17 septembre 1678, entre la France et l'Espagne; le troisième du 5 février 1679, entre la France et l'Empire (Saint-Empire romain germanique). Les deux premiers textes sont en français, mais le troisième est uniquement en latin. De plus, les deux premiers étaient accompagnés d'une version latine, alors que les négociateurs de l'Empire avaient joint une version en allemand. Autrement dit, le latin était la version officielle — la forma authentica —, le français, l'espagnol ou l'allemand, de simples traductions.

En réalité, ce ne serait que quelques années après le traité de Nimègue que la question linguistique en diplomatie fut débattue entre la France et l'Empire. Une diète avait été réunie à Francfort avec les ambassadeurs de l'empereur et ceux du roi de France (Louis XIV), afin de discuter de diverses affaires importantes. Les Français communiquèrent leur mémoire en français, mais le 9 avril 1682, les ambassadeurs de l'Empire répondirent « qu'ils etoient d'avis qu'on donnast aux ambassadeurs de France cette reponse en latin, suivant que l'Empire avoit accoutumé de traitter avec les etrangers, et qu'on les avertit de ne se point servir dans leurs écrits de la langue françoise, non plus que les deputés de l'Empire ne se servoient point de l'Allemande, mais que suivant le stile, on employast partout la langue latine».

Le choix entre le latin et une langue nationale, comme le français, devint une source de conflit entre les grandes puissances. Les négociateurs de l'Empire ne pouvaient accepter que le français puisse surpasser l'allemand, alors que le latin paraissait «neutre». Le conflit fut porté devant le directoire de Mayence en 1682. Les négociateurs de l'Empire exposèrent leur point de vue le 10 juin; les Français, le 20 juin. On peut consulter le texte des Français exposant de façon claire la manière de voir de la France dans ce cas précis (voir le texte). En somme, tout État est libre de se servir de sa langue naturelle pour ses écrits particuliers. Quant aux traités et autres actes communs où toutes les parties doivent signer, il est raisonnable entre égaux de convenir d'une langue commune ou de faire plusieurs originaux.

En 1697, le traité de Ryswick fut rédigé en français entre la France et les Provinces-Unies, mais en latin avec l'Empire et la France; seule la ratification de Louis XIV fut en français. Plus tard, en 1714, lors du traité de Rastadt, qui mettait fin à la guerre de Succession d'Espagne, le français «officiel» fut employé pour la première fois dans la rédaction d'un document juridique international, avec une réserve concernant les droits de la langue latine.
 

Le présent traité, ayant été commencé, poursuivi et achevé sans les solennités et formalités requises et usitées à l'égard de l'Empire, et composé et rédigé en Langue Françoise, contre l'usage ordinairement observé dans les Traités entre Sa Majesté Impériale, l'Empire, et Sa Majesté Très-Chrétienne, cette différence ne pourra être alléguée pour exemple, ni tirer à conséquence ou porter préjudice en aucune manière, à qui que ce soit, et l'on se conformera à l'avenir à tout ce qui a été observé jusqu'à présent dans de semblables occasions, tant à l'égard de la Langue Latine que pour les autres formalités et nommément dans le Congrès et Traité général et solennel à faire entre Sa Majesté Impériale, l'Empire et Sa Majesté Très-Chrétienne : le prézent Traité ne laissant pas d'avoir la même force et vertu, que si toutes les susdites formalités y avoient été observées, et, comme s'il étoit en Langue Latine. (Actes, mémoires et autres pièces authentiques concernant la paix d'Utrecht, V, 393.)

Par la suite, les préliminaires de Vienne en 1735, la convention de Vienne en 1736 et le traité d'Aix-la-Chapelle en 1748 furent rédigés en français, toujours avec la même réserve et la même reconnaissance théorique de la priorité du latin. Ce n'est qu'avec le traité de Hubertusburg (Hubertsbourg) du 15 février 1763, suivi du traité de Paris de la même année, que l'article concernant le latin disparut sans condition ni réserve, pour faire place uniquement au français qui demeurera la langue diplomatique jusqu'à la guerre de 1914-1918.

C'est cette langue aristocratique qui était parlée dans presque toutes les chancelleries de l'Europe et employée comme langue pour les tractations diplomatiques; elle avait détrôné le latin, même si celui-ci demeurait encore d'usage courant. L'extension de la langue «françoise» (toujours prononcée [franswèz]) était alors considérable, en raison des conquêtes royales et de l'exode des huguenots hors de France. 

Cette langue était particulièrement diffusée en Angleterre et aux Pays-Bas, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie, dans les pays scandinaves (Danemark, Suède et Norvège), en Hongrie, en Pologne, en Russie tsariste et jusque dans les Amériques (Canada, Acadie, Louisiane, Antilles). En fait, il n'existait guère une cour allemande ou italienne, où l'on ne trouvait pas des Français ministres, ingénieurs, fonctionnaires, chambellans, maîtres de ballet, académiciens, peintres ou architectes. Ceux-ci exportait le «françois» (toujours prononcé [franswè]).

Frédéric II (Prusse), le prince de Ligne (Autriche), Giovanni Giacomo Casanova (Italie), Jacob Grimm (Allemagne), l'abbé Ferdinando Galiani (Italie), Robert Walpole (Grande-Bretagne), Catherine II de Russie, Marie-Thérèse d'Autriche, Joseph II (Autriche), etc., écrivaient un français excellent. Paris était alors la «capitale universelle». Rappelons cette remarque du grammairien jésuite, Dominique Bouhours (1628-1702), sur la langue française:
 

Il n'y a guère de pays dans l'Europe où l'on n'entende le françois et il ne s'en faut rien que je ne vous avoue maintenant que la connaissance des langues étrangères n'est pas beaucoup nécessaire à un François qui voyage. Où ne va-t-on point avec notre langue?

On croirait entendre un Américain du XXIe siècle! Des historiens racontent même que des écrivains allemands s'indignaient que certains de leurs compatriotes réservaient le français pour la «conversation» et ne parlaient l'allemand «qu'à leurs chevaux».

Souvenons-nous de ces propos de l'empereur Charles Quint (1500-1556), polyglotte, qui disait: «Je parle anglais aux commerçants, italien aux femmes, français aux hommes, espagnol à Dieu et allemand à mon cheval.» C'est peut-être une blague, mais elle en dit long... sur l'idéologie de l'époque. Mentionnons aussi cette trouvaille du Français Dominique Bouhours (1628-1702): «De toutes les prononciations, la nôtre est la plus naturelle et la plus unie. Les Chinois et presque tous les peuples de l'Asie chantent; les Allemands râlent; les Espagnols déclament; les Italiens soupirent; les Anglais sifflent. Il n'y a proprement que les Français qui parlent.» Et puis encore cette phrase de l'écrivain espagnol José Cadalso (1741-1782) dans Lettres marocaines : «Les Espagnols écrivent la moitié de ce qu'ils imaginent; les Français plus qu'ils ne pensent à cause de la qualité de leur style; les Allemands disent tout, mais de telle façon que la moitié des gens ne les comprennent pas; les Anglais écrivent pour eux seuls.» L'auteur ne parle malheureusement pas des Italiens, des Portugais, des Danois, etc. 

Enfin, citons cette déclaration contemporaine d'un recteur de l'Université européenne de Minsk (en Biélorussie) qui, lors d'un entretien en 1995, présentait ainsi la situation des langues et notamment du biélorusse: «L'anglais est la langue du commerce, l'allemand la langue de la philosophie, le français la langue du droit, le russe la langue de la littérature ou des sciences. Le biélorusse? Il est peut-être irremplaçable pour décrire l'âme des paysans biélorusses» (cité par Jeantheau, 2001).

Vraiment, dans le domaine des grandes idées, l'humanité progresse parfois à petits pas! Que dira-t-on dans un siècle de l'anglais, de l'espagnol, de l'arabe, du chinois ou de l'hindi? Ces gens auront sans doute droit à d'autres préjugés typiques de leur époque! Et tout le monde croira qu'il s'agit alors de grandes vérités. 

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Cette période relativement glorieuse pour la France a connu, comme bien d'autres, ses préjugés, ses réussites et ses limites. Le Grand Siècle a permis au français de s'imposer de manière incontournable en France et dans ses nouvelles colonies. Bien que l'époque n'ait pas apporté de grandes nouveautés dans la langue, elle l'a consolidée dans ses acquis politiques, sociaux et culturels. Cependant, l'idée qu'on se faisait de la langue française était nettement surestimée, et l'histoire sera là pour le confirmer. On peut faire remarquer aussi que personne à l'époque n'a semblé s'être beaucoup préoccupé de la question de l'orthographe, un domaine totalement négligé et laissé à l'initiative personnelle. Bref, les contemporains du Grand Siècle n'ont rien inventé, mais il ont eu le mérite de propager la langue française.