Leçon 2:Étude comparative des langues française et espagnole dans le livre bilingue de Paul Dupuy : Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne (1829)

·         M.BENMEDJAHED 

·         Module français  

·         PROMO : Espagnole M1 CIV.

·          Année 2023-2024 

Étude comparative des langues française et espagnole dans le livre bilingue de Paul Dupuy : Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne (1829)

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comparaison français/espagnol , vocabulaire , grammaire , orthographe , prononciation

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comparaison français/espagnol , vocabulaire , grammaire , orthographe , prononciation

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1-En raison des événements historiques, le début du XIX e siècle est une période creuse pour la parution de manuels de français en Espagne. Les guerres d'occupation napoléonienne terminées, les activités reprennent leur cours normal et l'enseignement du démarrage français à nouveau. L'apprentissage du français n'avait jamais été suspendu, mais il était assez mal vu de s'afficher bilingue ou montrer trop de goût pour la nation voisine.

2-Dès le deuxième quart du siècle, l'enseignement du français se développe car le besoin s'en fait ressentir dans le domaine non seulement littéraire – on admire les œuvres classiques et celles du début du XIX e siècle – mais aussi scientifique . Des échanges se font entre la France et l'Espagne ; des scientifiques français viennent s'installer en Espagne et des pensionnés du Roi ou de Juntas de Comercio vont en France perfectionner leurs études. Il convient donc d'être bilingue. Le besoin de s'exprimer correctement dans l'une et l'autre langue devient indispensable et de même la nécessité de connaître les us et coutumes du pays dont on apprend la langue est incontournable.

3-C'est dans cet esprit que Paul Dupuy fait paraître en 1829 à Barcelone un curieux petit ouvrage bilingue intitulé : Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne ou entretiens familiers entre un Espagnol et un Français sur les langues, les usages, les productions, etc. de ces deux pays.

L'auteur

Nous n'avons que très peu de renseignements sur lui. Il ne figure dans aucun catalogue de librairie ou index bibliographique que nous avons consulté. Sa personnalité, la raison de sa présence à Barcelone nous reste inconnues.

Dupuy se présente sur la page de titre comme « bachelier ès lettres et professeur de français ». Il est l'auteur d'adaptations du célèbre manuel de Chantreau, Arte de hablar bien francés , dont la 1 ère édition date de 1781 et qui est réimprimé 5 fois. Comme d'autres avant lui 1 , Dupuy remanie le manuel de Chantreau. Ses versions, toutes publiées à Barcelone par Francisco de Oliva datent de 1836, 1838, 1843, 1947, 1850 – cette dernière, éditée à Barcelone, est mise en vente aussi à La Havane.

Dans l'édition de 1838, l'éditeur, Francisco Oliva, remarque qu'avec le temps, les façons de s'exprimer changent et qu'il devient nécessaire de s'adapter à l'esprit particulier de chaque époque. D'où les remaniements nécessaires du célèbre manuel de Chantreau.

Nous déduisons de l' Advertencia del Editor que Dupuy enseigne dans une « academia », c'est-à-dire une école privée , qu'il utilise pour ses cours la méthode de Chantreau, méthode qu'il adapte à ses besoins et à ceux de ses élèves  ;et que cette méthode éprouvée, alliée à son grand savoir-faire et à son expérience, lui donne d'excellents résultats : « En nuestro concepto y en el de todos los inteligentes en la materia, es esta edición sumamente Superior a todas las demás si se atiende a la brevedad, perfeccion y soltura con que los discípulos de Mr Dupuy hablan el utilísimo idioma de los franceses » (Chantreau/Dupuy, 1838 : Advertencia). Il faut néanmoins tenir compte du fait que l'éditeur est fort intéressé à vendre un remaniement du livre de Chantreau, que d'autres éditeurs publient en même temps, corrigé par d'autres professeurs de français. Ses louanges sont sans doute à mitiger des intéressés automobiles? Ce même éditeur, dans le prologue de 1850 donne pour preuve de l'excellence du livre qu'il publie le nombre d'établissements et de maîtres de français qui l'utilisent.2 .

Présentation de l'Abrégé élémentaire

L'objectif de Dupuy

Ce livre est destiné à des étudiants de français qui ont l'intention de voyager en France. Afin qu'ils ne se sentent pasdépaysés, Dupuy va leur donner une foule de détails , de particularités souvent uniquement anecdotiques – folkloriques, continuellement-nous dire de nos jours. Il pense que ce sont tous ces aspects de la vie quotidienne qui peuvent les intéresser et, comme ce sont les différences qui sautent le plus aux yeux, c'est surtout sur celles-ci qu'il s'attarde. Le livre se veut original, plein de remarques qu'on ne trouve pas d'ordinaire dans les manuels. Les chapitres en seront variés et traiteront précisément de thèmes et d'expressions qui, pour des personnes n'habitant pas le pays, ne tombent pas sous le sens.

L'objectif est aussi didactique car le vocabulaire n'est pas la langue classique des manuels ; l'apprenant trouvera des mots nouveaux « très usités dans ce pays-là ; mais inconnus dans le leur ; parce que les objets n'y sont point ; ou s'ils y sont, c'est le plus souvent d'autre manière. » (Dupuy 1829 : IV)

Donc Dupuy joint l'utile à l'agréable : utile car le lecteur perfectionnera son français, acquerra du vocabulaire, et agréable parce que le fait de connaître d'autres coutumes ne peut que stimuler l'esprit. D'autre part, celui qui aura à voyager en France évitera ainsi les nombres d'altérations en s'abstenant d'employeur des formules qu'il pense être des marques de politesse, alors qu'elles pourraient être très mal interprétées.

Ce livre, déclare Dupuy, est surtout écrit pour les Espagnols. Pour cette raison il s'attarde beaucoup plus sur les coutumes françaises que sur les espagnoles et explique la longueur très diverse des chapitres par le fait que sur certains sujets il y a plus de différences que sur d'autres.

Structure du livre

L' Abrégé élémentaire est divisé en 28 chapitres qui sont des dialogues entre un français et un espagnol, celui-ci s'enquérant des principales coutumes et particularités françaises. Ces dialogues sont suivis de deux parties : la première de 7 pages, intitulée « Corrección de los errores que suelen cometer los españoles que empiezan á hablar el idioma francés » et la seconde qui est son pendant, de quatre pages, « Correction des fautes que font le plus fréquemment les Français qui commencent à parler l'espagnol ». Nous y trouvons, par ordre alphabétique, des faux-amis, des divergences syntaxiques, ou phonétiques pouvant provoquer des contre-sens 3. Il est à noter que si la première partie est plus longue, c'est que le livre est, d'une partie, surtout spécifiée à des Espagnols et, d'autre part, comme Dupuy le démontra, le français est bien plus compliqué.

Les 28 chapitres traitent de thèmes très variés. La page de gauche est réservée au dialogue en français, celle de droite à l'espagnol. Il semble régner dans ce livre un désordre total. Nous passons d'un chapitre sur la « musique » à un autre sur les « noms et prénoms », puis les « oiseaux » (qui pourraient trouver place dans le chapitre sur la « zoologie) ». Suivent les « Poids » et les « Qualités du peuple français et espagnol ». On nous parlait des patates de Málaga et du roquefort et nous voilà, au chapitre suivant, décourir de la monarchie héréditaire ! Nous passons constamment du coq à l'âne. Cette apparence de décousu est due au fait que, au lieu de regrouper ses chapitres par leur thématique, Dupuy a choisi l'ordre alphabétique de leur titre. Nous regroupons spécifiquement les chapitres en quatre grands axes :les us et coutumes, où entreraient : Amusemens, Jeux, Habillemens, Musique, Religion, Théâtre, Voyages, Boissons et Gastronomie. Voici quelques particularités et jugements de valeur de Dupuy sur ces thèmes :

En ce qui concerne les divertissements, Dupuy déclare dès le début qu'il y a beaucoup plus d'amusements frivoles en France. De là son affirmation sur le caractère du Français : il « est bien moins sérieux que l'Espagnol. » (Dupuy 1829 : 2), ce qu'il va démontrer. Il est curieux aujourd'hui de lire que les Français sont présentés comme amateurs de spectacles en plein air, d'amusements populaires, de foire : saltimbanques, arracheurs de dents, guérisseurs, diseuses de bonne aventure… Les montagnes russes, dont Dupuy se complait à expliquer la construction et le mécanisme, sont, par contre, fréquentées par le beau monde. Les divertissements espagnols respectent peu de place : la musique des aveugles dans les cafés, la danse andalouse, avec le thème des castagnettes, les processions de géants et les combats de taureaux, ces deux derniers non décrits mais uniquement cités. Dans le chapitre des jeux, le Français décrit à l'Espagnol ce qu'est un ballon : « espèce de pomme à vessie enflée d'air et couverte de cuir bigarré » (p. 80)4 .

Quant à l'habillement, peu de différences sont constatées chez les hommes, par contre, chez les femmes, la toilette varie selon les régions, les villes et avec l'Espagne, caractérisée par l'éventail, le pañuelo… Le chapitre sur la religion nous initie aux mystères de l'habillement des prêtres, en particulier à la forme de leur chapeau.

La musique française semble méconnue des Espagnols, la France a cependant un conservatoire très apprécié dans le reste de l'Europe, et d'excellents professeurs. Aux dires des Espagnols, « la musique française quoique d'un genre particulier, ne manque pas de mérite » (p. 122). C'est un petit coup de griffe spécifié à la France !

Le chapitre du théâtre met en garde contre un contresens possible sur le mot lunetas qui désigne, non pas des lunettes, mais des places réservées. Nous apprenons aussi qu'au théâtre, en Espagne, les hommes sont séparés des femmes. Le chapitre est intéressant pour connaître l'atmosphère des théâtres du début du XIXe siècle. Alors qu'en Espagne il est difficile d'empêcher les gens de fumer, en France on ne peut éviter le brouhaha, les crises, les sifflements communiqués non seulement aux acteurs, mais aussi aux personnes du public. La force armée doit quelquefois intervenir car les plus acharnés sont des étudiants en droit ou médecine 5 .

Dans la section des Voyages, c'est la coutume du compagnonnage qui attire l'attention de l'Espagnol.

Le chapitre des Boissons est extrêmement court. Le Français déclare que ses vins préférés sont les vins espagnols (marque de déférence de sa part ?), et reconnaît qu'on apprécie aussi en France le champagne, le bourgogne et le bordeaux. La Gastronomie donne lieu à des développements sur les différences d'horaires, de quantité d'aliments, et sur diverses recettes. Dupuy y explique ce qu'est un restaurant, choisi inconnu alors en Espagne : on y mange à la carte, on y lit des journaux, des musiciens peuvent agrémenter le repas et des colporteurs offrir leurs marchandises.

On apprend que les Espagnols fument beaucoup plus que les Français et même devant des dames et que celles-ci, en Andalousie ne dédaignent pas le cigare (chap. De la Familiarité).

 Un deuxième axe serait l'environnement : Campagne (avec ses productions), Maisons, Oiseaux et Zoologie.

Le Français « déclare il m'a paru que le sol d'Espagne est plus fertile que celui de France ; mais la France étant très peuplée et très industrielle, le sol en est assez productif » (p. 14). Le chapitre Campagne est d'ailleurs celui des compromis où les deux pays se partagent l'excellence des productions.

Les différences dans l'habitat, dues au climat, sont évoquées par exemple avec la rareté des balcons et terrasses en France. La qualité des lits en Espagne, la présence de couettes chez les Français, la coutume de la sieste, les rideaux, les paratonnerres, la façon d'indiquer un emplacement sont des différences anecdotiques qui peuvent intéresser le touriste.

Le chapitre de la Zoologie très laconique informe qu'en France les animaux sont plus gros et gras, sauf les moutons et brebis. Par contre, dans le chapitre des Oiseaux, Dupuy nous raconte avec force détails quelques faits assez truculents : comment mettre des chapons à couvrir, ou quelle est la meilleure façon d'attraper des corbeaux. C'est un chapitre secondaire et original mais dont l'utilité, pour des apprenants qui iraient en France, reste douteuse.

les données géographiques et sociales : Départemens, Gouvernemens, Impôts, Mesures, Monnaies et Poids, Supplices, Tribunaux, Troupes françaises, Ecoles.

Nous sommes ici en présence de deux pays dont l'organisation administrative, judiciaire et scolaire est différente. La Révolution française a laissé beaucoup de traces : séparation du pouvoir militaire et judiciaire ; déclaration à la commune des naissances et des décès ; obligation d'un mariage civil avant le religieux. La guillotine est largement décrite ainsi que les châtiments des voleurs. Nous trouvons, sous-jacentes, des interprétations de ces coutumes qui corroborent le caractère supposé (par exemple, le condamné est tourné en dérision chez les Espagnols qui le montent sur un âne, tandis qu'il est marqué au fer rouge, du sceau de l'infamie, chez les Français). Dupuy nous présente un long développement sur l'armée française (que l'Espagne a bien connue 20 ans auparavant), les grades et les décorations, en particulier la Légion d'Honneur, qui,

Enfin nous trouvons des renseignements pratiques dans les chapitres Mesures, Monnaies et Poids.

Dupuy note non seulement les mots ou expressions utilisés dans les rencontres mais, c'est intéressant, tout un ensemble de signes qui accompagnent le message oral proprement dit. Pour que le message verbal soit bien reçu, pour que passe la communication, qu'il y ait une bonne compréhension, il note qu'il s'accompagne de divers autres signes : signe de la main, attitudes du corps tout entier (« donner le passage », « s'inclinent », « ne se lèvent point », « Quand des messieurs vont avec un mari et sa femme, il est de la politesse que l'un d'eux offre le bras à la dame, celle- ci l'accepte, et le mari passe auprès des autres personnes et cause avec elles ») ( p. 26) ; accessoires : chapeau, gants (« baissent leur chapeau jusqu'au pied », « saluent avec la main ou avec leurs gants ») ou encore des jeux d'éventail. Ou toutes ces manifestations, ces signes doivent être également bien repérés pour être bien compris et éventuellement bien reproduits. Toute une étude serait à faire avec les expressions qui utilisent la main, le pied, pour les formules alambiquées de politesse.

Enfin la comparaison porte sur l'harmonie des deux langues, ce qui va être nécessairement subjectif et relatif à l'oreille et à la sensibilité des interlocuteurs. Le Français déclare que sa langue à plus de sons, plus variés, plus doux, le grand nombre de voyelles favorisant cette douceur et opère une attaque frontale : la langue de son interlocuteur à plus de consonnes, trop de finales en o et a  , « ce qui doit essentiellement fatiguer l'oreille » (p. 104). L'Espagnol, lui, juge les consonnes finales souvent dures, en français. Pour lui dans sa langue les nombreux o et  a sont des voyelles « claires et pleines » tandis que le u et le eudu français ont un « son obscur et douteux » (p. 106). Et surtout la langue castillane lui apparaît harmonieusement par l'alternance des syllabes longues et brèves, par le jeu de l'accent.

Il ne reste au Français qu'à convenir de l'excellence du castillan : « D'après tout ce que vous avez dit, on ne peut douter que la langue castillane ne l'emporte sur la française » (p. 106). Mais finalement il se réfère à l'usage, très répandu à l'époque, pour justifier le choix qu'on peut faire de préférer le français. C'est en effet – début du XIX – la langue des élites qui sert à la circulation des idées nouvelles, littéraires, philosophiques, scientifiques dans toute l'Europe de l'époque, ce que reconnaît l'Espagnol : certes les grands auteurs… du passé…. mais il ajoute perfidement que c'est la langue surtout connue grâce aux commerçants et aux conquérants : « la grande étendue du commerce de cette nation, et enfin par l'habitude qu'ont eue toutes les nations d'avoir les armées françaises dans leur sein » (p. 108).

Valeur et originalité du livre

Cette étude comparative sur les langues est curieuse, tant pour la forme (appréciation des différences lexicales, syntaxiques et phonétiques sous forme de dialogue) que pour le contenu. En fait c'est surtout l'Espagnol qui intervient dans ce dialogue pour mineur la position de la langue française. On passe de l'étude de la langue telle qu'on l'examine à une interprétation et un jugement de valeur :le castillan est considéré comme la langue parfaite ; les arguments du Français sont discutés avec vivacité et lui-même ne montre guère d'acharnement à défendre sa langue qui est, sinon dénigrée, du moins communiquere en maintes occasions. Ce qui repose la question : qui était Dupuy ? Il est en effet surprenant de la part d'un Français de déprécier sa propre langue. Etait-il Espagnol ? Même dans ce cas, il est étonnant qu'en tant que professeur de français, il lance des piques contre la langue qu'il enseigne. En fait, il n'est pas le premier à le faire. Nous avons l'exemple de Capmany qui souligne la supériorité du castillan sur le français ; Novella qui, tout en qualifiant, dans son prologue, le français de « hermoso idioma », n'en vante pas moins, dans un dialogue, la perfection de sa langue 10. Cadalso, de son côté, se gausse dans ses Cartas Marruecas (Carta XXXV) de la gallomanie des « petimetres » et dames de société de son époque. Les gallicismes ainsi que les nombreuses louanges – méritées ou non – faites à la langue française déclarée « langue universelle » irritent les esprits de l'époque. Peut-être cela explique-t-il la partialité de Dupuy ?

Concernant le message oral, il a bien vu qu'il est accompagné, illustré, élucidé, dans chacune des deux langues par toutes sortes de signes comportant il accorde aussi une attention particulière : intonation, gestes, mouvements du corps…

Avant Dupuy, Galmace avait inclus dans son manuel un dialogue à trois colonnes (espagnol, français et prononciation figurée) avec l'objectif de donner un exercice pratique de traduction qui serait lu et peut-être représenté. Il s'agit d'« une conversation graciosa et érudite que deux caballeros pasageros tuvieron en una Posada, où la variedad de sus destinos les hizo concurrir » (Galmace 1780 : 358). Pendant leur séjour à l'auberge et leur voyage à Saragosse, tous deux parlent de leur pays, de ses productions horticoles et culturelles, du caractère de ses habitants. Le récit du voyage de ces deux gentilshommes est illustré par des anecdotes assez longues qui éclairent des traits de leur caractère respectif. Il est parsemé de formules de courtoisie, d'expressions de politesse et de fausse humilité, chacun renchérissant sur l'excellence de l'autre, la « langue de bois » étant si utile dans les rapports sociaux ! Dupuy connaît très certainement le livre de Galmace, son mérite est d'avoir fait œuvre entièrement originale. FilsAbrégé élémentaire , qui n'a jamais été réédité, a cependant attiré l'attention de plusieurs maîtres de français. En 1839 Galavotti écrit dans l'Introduction de la Nomenclature : « nous recommandons particulièrement le Compendio élémentaire des différences les plus notables entre la France et l'Espagne , par D. Pablo Dupuy ». La même année, Luis Bordas dans sa révision de El arte de hablar bien francés de Chantreau, conseille aussi la lecture de Dupuy dans l'Introduction du Supplément (p. 21). Il le fera dans toutes ses réimpressions jusqu'en 1848 (8 e réimpression) ; de même Bergnes de las Casas dans le Novísimo Chantreau depuis 1845 jusqu'en 1905 (26 e édition). L'Abrégéde Dupuy est cité de nos jours (Alvarez 1992 : 10) dans l' Historia general de España y América à propos du dialogue Des qualités du peuple français et espagnol 11 Il semble donc surprenant que ce petit livre, connu et conseillé n'ait pas été réédité. La Biblioteca de Catalunya est en train de le numériser afin d'en diffuser la lecture sur la Toile.

Conclusion

Dupuy met en œuvre une méthode moderne de connaissance approfondie d'une langue qu'il s'agit de parler aussi bien que les « natifs ». Dans son ouvrage le mot est situé dans une expression, l'expression dans une phrase, mais aussi la phrase dans tout son contexte c'est à dire tout un environnement géographique, social et culturel.

Pour Dupuy, être bilingue c'est non seulement être à l'aise dans les deux langues mais dans les deux pays. Il met l'accent sur ces notions d'échanges entre les deux langues. Il s'agit ici moins d'un apprentissage que d'un approfondissement de la connaissance du génie des deux pays et des deux langues. Approfondissement qu'il sait rendre vivant par l'utilisation du dialogue entre le Français et l'Espagnol et l'évocation de part et d'autre de scènes de la vie quotidienne de chacun des deux pays, passant sans cesser de l'un à l'autre. Il est, en somme, un précurseur des manuels de civilisation. Pour Dupuy, une langue est ,tout autant qu'un outil de communication, un vecteur d'une culture et d'une identité ; c'est un fil conducteur vers une altérité. Près de deux siècles plus tard, François Monnanteuil, doyen de l'Inspection générale des langues déclare : « Pour bien communiquer dans une langue, il faut en maîtriser les références culturelles », phrase que Dupuy aurait pu formuler .

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Bibliographie

Bibliographie

ALVAREZ SANTALO, Léon Carlos. 1992. « La incidencia demográfica » Histoire générale d'Espagne et d'Amérique. Del antiguo al nouveau régimen. Hasta la muerte de Fernando VII. Coordonner. Comellas García-Llera, JL,Madrid : Rialp. Tome XII : 10.

CADALSO, José. 1979. Cartas marruecas . Madrid : Modifier Cátedra.

CAPMANY, Antonio. 1776. Arte de traducir el idioma francés al castellano . Saint-Jacques-de-Compostelle, 1987 : Universidade de Santiago. Éd. commenté par Mª del Carmen Fernández Díaz.

CHANTREAU, Pierre. Nicolas. 1786. Arte de hablar bien francés o gramática completa… .Madrid : Imp. De Sancha. Editions révisées par Dupuy : 1836, 1838, 1843, 1847, Barcelone : Fco de Oliva. Par Luis Bordas : de 1836 à 1848 (8 e édition), Barcelone : Manuel Saurí. Par Hamonière : 1839, Paris : Pillet Ainé. Par Bergnes de las Casas : 1845, 1872, 1878, 1902, 1905 (26 e éd.), Barcelone : Oliveres.

DUPUY, Paul. 1829. Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne, ou entretiens familiers entre un Espagnol et un Français sur les langues, les usages, les productions etc. de ces deux pays… .Barcelone : J.Verdaguer .

FISCHER, Denise ; GARCIA BASCUÑANA, Juan Francisco ; GOMEZ, María Trinidad. 2004. Repertorio de gramáticas y manuales para la enseñanza del francés en España (1565-1940) .Barcelone : PPU.

GALMACE, Antonio. 1780. Llave nueva y universal para aprender con brevedad y perfectionn la lengua francesa… .Madrid : A. Ortega.

GALAVOTTI, Guillermo Luis. 1839. Arte de hablar bien y de escribir en francés correctamente… .Barcelone : Brusi.

MOREU HUET, Nuria. 1990. Pierre-Nicolas Chantreau et sa grammaire . Barcelone : Publications Universitat de Barcelone. Thèse de doctorat.

NOUVELLE, Pablo Antonio. 1813. Nueva gramática de la lengua francesa y castellana . Alicante : Diablotin. de Espagne.

REBOULLET, André. 1989. « Un ptérodactyle : L'Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne », Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde .3 : 21-23.

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Remarques

1  Francisco Tramarría, El Nuevo Chantreau , en 1826, 3 e édition en 1835 ; Hamonière à Paris à partir de 1824 ; Lorenzo Alemany en 1835 ; Luis Bordas à partir de 1836, qui arrivera à 8 réimpressions en 1848.

2  « Revisada la Gramática de Chantreau por Hammonière (sic), faltaba qu'un homme versado dans l'idioma francés hiciese dans les grandes meilleures que le ce maire grado de perfection : y este fué D. Pablo Dupuy, professeur de langue ; quien la corrigió, adicionó, y mejoró en gran manera siguiendo les oeuvres des grands maestros, contes comme Dumarsais, Wailly, Port Royal et d'autres, guidés par votre continue pratique d'enseignement et en particulier pour la célèbre Grammaire des Grammaires . Depuis, nous avons tenu à réimprimer beaucoup de fois, c'est l'acogida que le han dado los maestros de francés y el público. » (Chantreau/Dupuy 1850 : Advertencia)

3  Exemples : «  Nombre , prénom ; Apellido , nom » (p. 178) ; «  Aller se coucher , irá acostarse : suprimiendo la preposición à après un verbo de movimiento seguido de otro verbo ; pues aller a coucher daría á entendreer, ir á parir » (p. 169) ; «  Mort, il est mort, ha muerto ; nunca se dirá : il est mouru  ; pues casi daría a entendre que es bacalao » (p. 172).

4  Dupuy parle du « jeu de pomme » (paume) fréquent en Espagne comme en France.

5  Ces réflexions ne sont pas sans nous faire penser à la représentation d' Hernani qui aura lieu un an après la parution de ce livre.

6  Le Français pourrait répondre que sa langue répète les pronoms personnels, certes, mais l'espagnol répète les désinences du verbe.

7  Là aussi on pourrait répondre que l'emploi d'un adverbe invariable, même suivi de , est plus simple.

8  Réponse qui coïncide mal avec le dernier exemple du Français : Amar a uno où la préposition est impensable en français devant un COD.

9  A propos de la prononciation du c dans le nom Claude , il est curieux de constater que Dupuy suit, dans ce livre, après Galmace (1780), les instructions de Chantreau (prononciation Glod ), et de Sánchez Ribera (1821). Dans son 2ième remaniement du Chantreau , en 1838, il rectifie : «  Claude, Claudio . Segun la Grammaire des Grammaires, se pronuncia la c como g en reine-claude : claudia, ciruela , conservando la cson son naturel dans les autres cas ». D'autres remanieurs : Luis Bordas en 1839, Hamonière en 1859, Bergnes de las Casas en 1872 n'ont sans doute pas consulté la Grammaire des Grammaires car la prononciation de Glod persiste.

10  « C'est dommage que tout le monde ne parle pas espagnol : il n'y a point sur la terre une langue plus belle, plus agréable et plus facile d'apprendre que celle-ci […] La langue espagnole s'écrit de la même manière que l'on parle ; elle est riche de termes, assez douce dans sa prononciation, assez expressive (sic) dans son style, et aimable par son génie » (Romelle 1813 : 105).

11  Dupuy énonce un chiffre exact pour la population française, tandis que pour la population espagnole une oscillation de 1/3, ce qui fait dire à l'auteur de l'article qu'il y avait un manque de rigueur dans les recensements espagnols de l'époque.

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Les références

Référence bibliographique

Denise Fischer Hubert , « Étude comparative des langues française et espagnole dans le livre bilingue de Paul Dupuy : Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne (1829) » ,  Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde , 42 | 2009, 149-164.

Référence électronique

Denise Fischer Hubert , « Étude comparative des langues française et espagnole dans le livre bilingue de Paul Dupuy : Abrégé élémentaire des différences les plus remarquables entre la France et l'Espagne (1829) » ,  Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde [En ligne], 42 | 2009, mis en ligne le 16 janvier 2011 , consulté le 07 octobre 2023 . URL : http://journals.openedition.org/dhfles/746; DOI : https://doi.org/10.4000/dhfles.746